Née en 1993 à Lyon (France) | vit et travaille à Sète (France). Il est diplômé de l’École supérieure d’art et de design de Saint-Étienne.
Regarder et comprendre le travail de Pierre Unal-Brunet revient à embrasser d’un même geste différentes dimensions que l’on n’aurait pas cru à même de cohabiter et qui – on ne sait par quel prodige – charpentent un univers cohérent en dépit de tout le mystère qu’il exhale continuellement. Superposées dans l’épaisseur du temps et de la matière, les sources de l’artiste sont multiples ; il faut se les approprier et en décrypter le lexique : la littérature, les fictions fantastiques tout autant que l’anthropologie, la biologie marine, la biologie spéculative – une autre forme de récit fantastique –, l’art de la pêche et l’amour des mots. Le processus de création lui-même est la combinatoire d’actions, de pratiques et de techniques comme le beachcombing (littéralement, peigner la plage c’est-à-dire ramasser – s’agissant de Pierre Unal-Brunet, nous aurions plutôt tendance à parler de cueillette → ou de récolte – les objets rejetés par la mer), le bouturage, le collage, le recyclage, la peinture, la découpe, la greffe.
On se familiarise peu à peu avec ces éléments apparemment épars comme lorsque l’on part à la découverte des nombreuses péripéties composant la mythologie d’une lointaine civilisation. On réalise alors que les peintures, objets et sculptures de l’artiste racontent l’épopée d’un biotope qui se construit, se poursuit d’une œuvre à l’autre et dont on parvient à cerner les personnages principaux : créatures, Bellies, pleuronectiformes et autres fantômes.
On observe des bois flottés fardés de couleurs et parés de coquillages, d’objets variés, de turluttes ou encore de dessins graciles. Ces sculptures – devrait-on parler ici de statues ou plus encore de totems ? – semblent être la modélisation en trois dimensions des créatures qui peuplent les peintures et qui sont la plupart du temps nommées par Pierre Unal-Brunet (par l’intermédiaire du titre ou bien par l’intégration de lettres, mots ou phrases au sein de la composition). Ces créatures, nous les assimilons avec beaucoup de facilité à des personnages : non seulement une identité et une existence propres leur sont conférées par l’acte du baptême, mais la plupart d’entre elles sont plus ou moins à taille humaine. L’artiste insiste d’ailleurs sur l’importance accordée à récolter des objets qui correspondent à l’échelle de son propre corps. Parmi les peintures, le format le plus répandu mesure en effet cent- soixante-dix centimètres de hauteur.
Les compositions aux fonds volontiers très colorés sont fondées sur la pratique du collage, que celui-ci soit bien réel à travers l’adjonction d’éléments physiques ou d’images imprimées par exemple, ou bien plus illusionniste en fonctionnant selon le principe du trompe-l’œil. Le collage est présent aussi à travers la coexistence de formes vivantes et de symboles ou de signes abstraits. Certains motifs sont employés à plusieurs reprises ; ainsi en est-il d’une sorte de pierre ou de corps céleste figuré en noir et blanc, dessinant d’une œuvre à l’autre une relation, voire une narration.
Si toutes ces rencontres fonctionnent en partie sur les principes combinés de hasard et de choix, la notion de jeu semble aussi avoir son importance. L’artiste nous indique en effet que la création des sculptures constitue un temps de pause, un espace de latence investissant l’intervalle entre deux sessions de travail proprement picturales. S’agirait-il d’un jeu d’atelier pour se délier les mains et distraire sa pensée ?
Pour l’exposition « Intrication », Pierre Unal-Brunet a décidé de produire une installation faite de modules scénographiques sur lesquels prennent place divers objets, sculptures, dessins et peintures. Il la conçoit comme une sorte de jeu de plateau à taille humaine. Nous la percevons comme une maquettisation de son processus de création et de son espace de travail – tant physique que mental. On trouve ici certains objets qui peuplent son atelier ainsi que de nombreuses références à son système de pensée, comme s’il s’agissait encore une fois ici d’isoler un biotope donné sous la forme du diorama. Le titre, LAUGHING GILLS, prête bien sûr à sourire ; littéralement « ouïes riantes » ou bien « rire branchial », il évoque aussi dans sa sonorité le nom d’un espace géographique (« hills » signifiant « collines »), d’une ville ou d’une zone résidentielle périrubaine. Les différents corps composant l’installation seraient ainsi perçus comme des habitants, comme les membres d’une même communauté, un écosystème se propageant selon un plan horizontal dans l’espace d’exposition, menaçant de l’inonder.