anna solal

Née en 1988 à Dreux (France) | vit et travaille à Paris (France). Elle est diplômée de l’École nationale supérieure d’art de La Cambre.

« Artech povera », c’est ainsi que l’artiste qualifie son travail, les éléments qu’elle utilise comme matériaux étant souvent des rebuts de nos outils technologiques ou encore des produits bon marché fabriqués en série. Ses sculptures et objets, qu’ils soient accrochés au mur ou prennent place au sol, sont constitués d’un ensemble de petits objets anodins : semelles de chaussures, pinces à linge, chaînes de vélo, ustensiles de cuisine, pièces textiles, le tout assemblé à l’aide de fils et de cordes, comme s’il s’agissait pour Anna Solal de rendre son action → réversible afin que ces fragments puissent de nouveau être réemployés dans le futur. Elle détourne aussi de façon récurrente des écrans de smartphones hors d’usage qu’elle utilise pour leurs caractéristiques proprement matérielles ; l’étoilement créé à leur surface par les divers impacts et accidents survenus dans le passé prend une dimension plastique en même temps qu’il évoque le miroir brisé d’un narcissisme contemporain consumatoire et délétère.

Les objets ainsi créés prennent le plus souvent une forme figurative, des cerfs-volants ou des oiseaux par c exemple, motifs que l’artiste développe en séries. Cette dimension aérienne contredit grandement l’usage premier des matériaux employés dont la valeur d’usage première était le plus souvent très prosaïque. Si le cerf-volant en appelle bien sûr à l’enfance, mais aussi à la fuite vers le ciel, les oiseaux, en vol eux-aussi, symbolisent la liberté et l’indépendance, comme si Anna Solal souhaitait fabriquer des objets apotropaïques, talismans voués à porter chance et à protéger. La manière dont les volatiles sont figurés est toutefois surprenante. Bien qu’ils soient agréables à regarder, attirés que nous sommes par les couleurs parfois vives de leurs ailes – couleurs justement choisie par l’artiste en fonction des qualités plastiques des objets qu’elle emploie, comme les pinces à linge –, celles-ci sont déployées à plat, exactement comme l’on dispose un animal prêt à être disséqué, ou comme s’il venait d’être accroché au mur comme on cloue une charogne sur une porte pour attirer le mauvais œil chez son ennemi.

À la manière d’une lame de rasoir, dont elle fait un usage régulier dans ses assemblages, les œuvres sont tranchantes et duplices tout comme l’est la figure de Janus. Elle développe depuis 2015 ce travail qui est repéré dès 2018, mais parallèlement à la création de ces objets sculpturaux, Anna Solal crée également des dessins et des peintures davantage liés à la vie quotidienne et à l’intimité. En 2018-2019, ses sujets de prédilection sont les natures mortes – mortes, comme les oiseaux – trouvées dans l’appartement : des vêtements qui traînent ou des aliments à propos desquels on ne sait s’ils sont en cours de préparation ou bien s’ils sont les reliefs d’un repas. Ils sont en tout cas les traces d’un instant passé dans la cuisine ou dans la salle de bain : la série de sculptures Sink est en effet indicielle à la fois de l’environnement domestique et d’un instant personnel, intime, pendant lequel on s’observe dans la glace comme si l’on se trouvait en face de quelqu’un d’autre. Le double jeu – double je ? – est à nouveau invoqué ici à la faveur du double sens du terme « sink » désignant un évier tout en faisant planer la menace d’un naufrage (sombrer, couler).

Qu’il s’agisse des dessins ou des peintures, ils sont toujours agrémentés – augmentés – d’éléments provenant de la réalité concrète et matérielle : des morceaux de plastique ou de tissus par exemple qui viennent former des cadres ou qui intègrent directement la composition, comme c’est le cas dans les peintures récentes de l’artiste, qui s’étendent sur de plus grands formats, parfois panoramiques. C’est le cas de That summer, une grande fresque créée selon les principes du collage, où l’artiste a regroupé objets en plastique et photographies, ainsi que des motifs, tel que le soleil, qu’elle affectionne particulièrement. La composition générale fait apparaître une forêt ou du moins sa lisière selon un principe métonymique : on observe seulement la partie basse des troncs, enracinés dans le sol mais tronqués par le bord supérieur du support. Ces arbres sont constitués de fragments photographiques d’écorces au-dessus desquels sont ajoutés d’autres éléments dorés et colorés, statuette de vierge et chapelets, ex-votos déposés en échange d’une faveur, offrandes faites en désespoir de cause dans l’espoir que le vœu soit exaucé. Les références littéraires de l’artiste et ses propres écrits ne sont pas en reste dans la mesure où le mot envahit largement ses peintures les plus récentes comme pour leur donner une voix.

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